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L’atelier d’écriture de l’Université Populaire de Sainte-Geneviève-des-Bois
LETTRES D’AMOUR
Je m’en souviens ! Ce jour-là, j’avais décidé de visiter les cabanes, restes de la maison initiale démolie dans les années quatre-vingt. Ces deux pièces remplacent la cave et le grenier que ne possède pas notre habitation. C’est un local qui sert à remiser tous les vieux meubles de la famille, pour ne pas les jeter (même Emmaüs a refusé naguère de se déplacer). Donc, ce jour-là, il pleuvait et j’étais seule au logis. Dans une vieille armoire d’avant le siècle passé, dont la porte s’ouvrit avec difficulté, étaient rangés ma machine à écrire portable de marque Remington qui naguère me permettait de taper les devis et les factures de mon mari artisan ; trois ou quatre valises lourdement chargées que je ne pus extraire ; de gros cartons pleins à ras bord ; ma machine à coudre Thimonnier et, tout au fond, une valise métallique dont j’avais oublié l’existence. Sa vue réveilla une émotion bizarre. Poussant l’un, tirant l’autre, tout en maintenant la stabilité du meuble, je parvins à l’extraire et l’ouvris sur le champ (elle n’était pas fermée à clé). Je vis une multitude d’enveloppes, les unes adressées en France, les autres en Algérie. Je l’emmenai aussitôt à la maison. La valise était apparemment celle de mon mari lors de son Service militaire au milieu des années cinquante ; les lettres étaient celles qu’il avait reçues et écrites pendant ces vingt-huit mois. Je ne me souvenais pas de les y avoir rangées. Je me mis à les classer : tout d’abord les siennes (deux ou trois missives par semaine) puis les miennes tout aussi nombreuses ; enfin, je me mis à lire ses lettres, puis les miennes : 150+150 = 300 et mon âme se retrouva survolant les années, nos deux vies intimement mêlées. J’aurais aimé retrouver ces lettres lorsqu’il vivait encore, nous les aurions parcourues ensemble, attendris, main dans la main. Mais c’est trop tard, dix ans se sont écoulés depuis sa disparition. Maintenant, la nostalgie est vaine et nos vies séparées à jamais. J’ai traduit ses pattes de mouches et j’ai copié ses mots dans mon ordinateur, puis les ai imprimés et collés dans mes cahiers. Chaque année, une lettre ou deux sortent du lot, je les copie fidèlement. La valise dort dans ma chambre, ce qu’elle contient me sert d’objet fétiche pour les longs jours d’hiver. Elle me protège du cafard et de la dépression.
Jeanne P. (8/12/2014)
Ma ville, balade d’hiver
Je suis née à Paris, venue tard dans l’Essonne,
Saint Michel, Ste Geneviève, cinquante ans de cela,
J’erre et je me promène dans des rues accueillantes,
Les arbres sont dénudés et je vais vieillissante
Au hasard des vitrines qui brillent dans le soir.
M’entourent les fragrances d’une parfumerie,
Les odeurs épicées d’un petit restaurant
Mes papilles s’affolent j’entre, puis repue, m’enfuis,
Les lumières me conduisent vers un vieux cinéma.
Il fait chaud, il fait bon et moi je m’y installe,
Car il se joue ce soir trois ou quatre bons films
Les fauteuils sont vides, mais ils sont confortables,
Et soudain je m’endors mieux encore qu’en mon lit.
…Lorsque s’ouvrent mes yeux, je sors en titubant…
Tout au fond de la rue Gabriel Péri,
Une boulangerie attire les passants,
Un train vomit soudain une nuée de gens
Ils ont fait à Paris leur journée de labeur,
S’en retournent chez eux fatigués mais contents.
Moi je fais demi-tour regagnant mes pénates,
La rue est vide, les voyageurs ont disparu
Des boutiques obscures parsèment le chemin,
Nuit noire, je marche vite car j’ai bien froid.
Une chanson guide mes pas, c’est une marche sympathique
Que mes lèvres fredonnent silencieusement,
Ma démarche est automatique, rien ne peut ralentir mon pas,
La rue vide me fait peur, la chaleur du foyer me paraît encore loin,
…Nous y sommes enfin !...
Jeanne P. (5/01/15)
Ma ville la nuit
La nuit est tombée sur ma ville
Ruelles obscures, plus de passants,
Seules quelques enseignes donnent vie
Aux rues désertes, volets tirés.
Ma ville enfin s’est endormie
Sa bouche est close, ses yeux fermés,
On n’entend plus de musique,
Chacun chez soi est retourné.
Vois ! Un chat errant file
Sur une chaussée sans voitures
Un homme en titubant cherche
Un endroit chaud pour s’abriter.
Chez moi, mon chien doucement rêve,
J’entends un jappement léger,
Il se blottit, je le caresse
Le rêve au loin l’a emporté.
Jeanne P. (5/01/15)
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Voyage
La mer déroule et enroule
Elle s’esquive, glisse,
Pas de deux, pas de sans
Sans alarme, sans bagage,
Elle hésite, elle aspire, elle persiste.
Le ciel, lui, n’en fait qu’à sa tête,
Il brûle et parfume de son présent irréel
La robe de l’univers.
Il regarde plus haut, l’inconcevable, l’inconçu chaos.
Inconsolables nous sommes,
Hors de.
Alors nous, nous égrenons le sable de nos plages
Qui compte nos secondes, nos heures, nos jours.
Nous, on renâcle, on s’esquive, on souffre le martyr
On pense que cette souffrance, rance,
Elle sert à quelque chose,
Oui, de dire cela on ose.
Alors, nous, on arpente, on bourlingue
Nos petites terres, nos petites mers.
Et l’œil vert de la vague nous regarde
Ironique,
Attendri quand même,
De notre désir, de notre appétence violente aux partances
Pour chercher
D’autres paysages,
D’autres rivages,
D’autres usages,
De notre envie aiguë, canine du désir.
Du bout, on s’en fout.
On y va, on s’enivre, on s’exalte, on s’extase
Devant chaque petit miracle,
Une aurore rosâtre, un coucher or pâle,
D’une tranquille qui mer qui fraie
Avec les mouettes criardes qui zigzaguent
A la noce avec le vent.
Nous, on veut être de la fête,
Corps perdu, on s’entête,
Notre infini, c’est du souviens toi quand même,
C’est du imagine, c’est du raconte.
Du bout, on s’en fout.
Nos mots volettent, racontent,
Oui, nous avons vu, oui, nous y étions,
Oui.
MC
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Jeux
Chat perché, île au trésor, les dés jetés, cartes dérobées, puits ou ciseaux ?
On joue pour jouer, ne rien gagner, c’est très sérieux, sourcils froncés
Lancer, jeter, cacher, tu triches !
Cartes sur table, abats ton jeu
J’ai pas d’atout, c’est la scoumoune, mauvais perdant
Ça griffe, ça mord, y’a plus la règle
C’est plus du jeu.
Oh jeux de mains, tu brûles, tu brûles
Barbe à papa ébouriffée, les doigts collants, jeux interdits, pomme d’amour, le rouge aux joues toujours, toujours
Vais voir ailleurs, vers d’autres jeux, vers d’autres je
Ou je vais jouer à tu es moi, bouche que veux-tu, loup m’entends-tu ?
1 2 3 Soleil. Nuage, tu n’es plus là,
Et je te cherche
Mon trésor, mon île, mon roi de cœur
Course éperdue, je t’ai perdu, tu me tues, je suis perdue.
On fait la belle ? Je fais la belle, tu fais la bête,
C’est pas du jeu, les larmes coulent,
Alors je triche à être toi, et je me perds.
Mais te perdre je ne peux pas, je te suis.
Et puis, ça recommence.
Tu as beau jeu.
La roue tourne et nous emporte, à folle allure, le fol amour
Quel mal au cœur, mais c’est si bon
Ce grand frisson
Pauvre Alouette à tire d’aile
Mais c’est pas comme à la marelle
Là, le paradis, c’est l’enfer.
Je joue plus, puis si, encore
Et tout à coup on croit comprendre
Il est bien tard
Qu’à ce Grand Jeu
C’est qui perd gagne.
MC
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